C'était un grand hiver bleu
C’était un grand hiver bleu
Une plaine gorgée d’armistices
Dans la brume
On n’apercevait plus sa propre main tendue
Au loin
Une corne sonnait
L’incendie s’afférait sans souci d’inventaire
Nous le suivions de près
Comme on respire
En rangs serrés
Nous avions l’air frileux
De ceux que l’on a déjà dépouillés de leurs gestes
A nos oreilles
Une rhétorique bottée crachait sa transparence
De grandes peurs jaunies nous masquaient jusqu’aux étoiles
L’avenir se prêtait sur gage
La solitude puait, de très loin, le progrès mis à nu
Dans notre sillage
Disait-on
L’Histoire même prenait fin
Etions-nous déjà trop nombreux
Pour prendre des paris sur l’été ?
Quelques âmes habiles
Se poussaient bien du coude sur le chemin du meurtre
Elles vendaient leur chemise aux derniers dieux blessés
Elles présentaient la servitude comme le don du sort
Elles cajolaient et ondulaient
Elles harcelaient et menaçaient
Elles soudoyaient et séduisaient
Les plus délavés
Les plus assis
Les plus blessés peut-être
Bientôt les plus nombreux
Quant aux autres
Ceux qui se languissaient des confins
Ceux qui voyaient dans le noir
Ceux qui jouaient avec l’entêtement des enfants
Ceux qui prenaient leur pas pour la première fois
Ceux qui se cherchaient un frère
Ceux qui savaient le goût des saisons
Ceux qui lisaient l’amour dans la fièvre
Ceux que la haine n’avaient pas su séduire
Ceux qui parlaient leur langue comme on lève son verre
Ceux-là
Se préparaient au combat
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